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Sur l'antisémitisme

Hannah Arendt

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Comment naquit en Europe, à la fin du xixe siècle, l'antisémitisme moderne, totalement distinct, par son idéologie et sa base sociale, de l'antijudaïsme antérieur, à fondement religieux ? Hannah Arendt répond à cette question en analysant l'évolution de la société européenne, de la Révolution française au xxe siècle. Au Juif de Cour de l'Ancien Régime, indispensable aux princes et recevant d'eux franchises et privilèges, succèdent au xixe siècle les grandes maisons de banque. Puis les privilèges de quelques-uns font place à l'égalité des droits pour tous, sauf en Europe orientale. Dans l'Etat-nation moderne, le groupe juif se désintègre très vite et perd, en tant que tel, tout pouvoir.
Pourtant les antisémites ; de droite et de gauche ; lui en attribuent un. Ils créent le mythe d'une puissance internationale occulte, à la fois subversive et capitaliste, imposant sa loi par dessus les frontières. Les classes moyennes menacées par l'évolution économique et les petits-bourgeois ruinés par les scandales financiers et animés par la peur et le ressentiment fourniront les troupes de base des mouvements antisémites qui naissent alors. Le nazisme y puisera un de ses éléments essentiels.
Alliant la réflexion historique, l'étude sociale et la description des psychologies, Hannah Arendt marque avec vigueur le passage de la discrimination sociale à l'antisémitisme politique. Elle souligne la signification de l'affaire Dreyfus. Elle note enfin un paradoxe : l'antisémitisme moderne s'affirme au moment où le pouvoir social et économique des Juifs appartient au passé. Il est inséparable de l'émancipation et de l'assimilation des Juifs et du dépérissement des valeurs spirituelles et morales. Partie intégrante de l'effondrement de la morale bourgeoise et de l'alliance de la bourgeoise avec la populace, il sera au xxe siècle au centre de l'idéologie nazie.