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L'Année du rugby 2016 - N° 44

Pierre-Michel Bonnot, Aurélien Bouisset

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En cette année particulière, le Top 14 s’offrit un champ d’honneur unique, le majestueux Camp Nou de Barcelone. Et le Racing 92 y arracha un bouclier de Brennus qui sortait tout autant de l’ordinaire, grâce à une force de caractère incroyable, montrée en finale comme sur l’ensemble d’une phase éliminatoire attaquée à bout de forces, mais surmontée avec courage, talent et, il faut bien l’admettre, ce brin de chance qui sourit aux audacieux. Les Franciliens firent reverdir leur légende, en jachère depuis le titre des joyeux drilles du « Showbizz », en 1990, et firent fructifier l’investissement de leur président Jacky Lorenzetti, patient bâtisseur pendant une décennie d’un club qui s’était longtemps contenté de survivre.
Les Ciel et Blanc firent perdre quelques couleurs aux Rouge et Noir de Toulon, leurs victimes en Catalogne. En leur subtilisant d’abord une star, Dan Carter, l’incomparable All Black, capital dans l’aventure et à la hauteur de son statut de meilleur joueur du monde. En les privant ensuite d’un titre, pour la première fois depuis 2012, au moment même où leur entraîneur et mentor, Bernard Laporte, décidait de s’éloigner du rectangle vert pour viser les sphères fédérales.
Comme pour mieux laisser prospérer le Racing ? Pas sûr. Car Montpellier, solide, prouva que la greffe sud-africaine pouvait prendre sur les pelouses du Top 14, pendant que la culture de Clermont restait bien vivace. Toujours plus touffu, le championnat de France ne laissa certes pas Agen ou Oyonnax prendre racine, mais les belles plantes, avec Toulouse, Castres ou Bordeaux, y abondèrent. Promettant une rude concurrence pour le futur.
Surtout, à l’échelon supérieur, le Racing trouva un maître : Les Saracens, rois d’Europe, qui le matèrent en finale. Le rugby anglais attendait ce rayon de soleil depuis 2007. Et ce titre continental pour un club confirma que ce qui avait pris des allures de terre brûlée après la catastrophe de la Coupe du monde 2015 était, un an plus tard, en train de faire éclore un phénomène. Car, pendant l’hiver, avec presque les mêmes hommes – qui l’année précédente avaient été la risée de leur pays –, mais avec un entraîneur différent, Eddie Jones, le XV de la Rose s’épanouit pour décrocher un Grand Chelem lors d’un dernier duel contre la France.
Dure leçon lors d’un Tournoi en deux temps pour les Bleus, d’abord portés par l’espoir d’une floraison express, puis rappelés à la dure réalité d’une cinquième place : le chantier de Guy Novès, sur la friche héritée de Philippe Saint-André, réclamerait du temps. Longtemps guide malin d’une incomparable pépinière de talents, le Toulousain découvrit donc l’ampleur de la tâche qui l’attendait. Même si l’étrange tournée estivale en Argentine, sans les représentants des quatre demi-finalistes, sema in extremis quelques graines d’espoir. Tucumán s’annonçait hostile. Et si, finalement, le XV de France y avait entrevu une génération fertile ?