Si notre perception de l’occupation allemande de Kiev pendant la Seconde Guerre mondiale s’est affinée à la lumière de nombreux documents exhumés récemment, elle cerne surtout les aspects militaires, politiques et administratifs de la présence ennemie. Ces Carnets de Kiev donnent au contraire à voir la vie des habitants et de la ville entre 1941 et 1943.
Jeune bibliothécaire issue de la bourgeoisie russe traditionnelle, Irina Khorochounova a consigné dans son journal, rédigé dans un style sobre et précis, les événements survenus dans la Kiev occupée. Travaillant au contact des Allemands, elle décrit avec force détails des épisodes douloureux tels que la collaboration, le pillage des bibliothèques, les prisonniers de guerre, le marché noir, les expulsions et la terreur qu’inspirent dans toute la population les rafles pour le travail forcé en Allemagne par les forces d’occupation. Comme l’arbitraire qui y préside. En leitmotiv revient, depuis le premier massacre dans le ravin dit de Babi Yar (29-30 septembre 1941), le martyre spécifique des Juifs, leur sort singulier dans cet océan de violences, et leur disparition d’un monde empreint de leur présence séculaire et familière.
Compte-rendu au jour le jour de la vie de Khorochounova et de ses compatriotes au cours de ces sombres années, ce journal, conservé dans les Archives des Organes du pouvoir et de direction de la République d’Ukraine et inédit en français, livre un témoignage sensible de la guerre telle que l’ont vécue les civils de Kiev.